L’île de désamour

• Rédigé par Marc Bonnant - -

Quel embarras, quel sentiment d’impuissance devant le flot sans fin de commentaires suscités par la question du racisme anti-corse… Il semble que la gravité du propos ait délié les langues au point de confronter l’injure à l’injure, la bêtise à la bêtise et, en fin de compte, l’absurde à l’absurde. Parfois, quand le réquisitoire ne sert plus la cause qu’il défend, parce qu’il en a oublié les ressorts, l’intérêt du dialogue de sourds s’amenuise et se perd. L’insulte est une fleur des sables, qui jaillit de rien et se nourrit de peu ; là où elle éclot, l’esprit n’a pas cours. L’employer est illusoire, sinon contreproductif, n’en déplaise à Schopenhauer. (1) À tout racisme ses causes. Aussi, plutôt que de répondre à la violence par la violence, peut-être vaudrait-il mieux se concentrer sur les origines du problème et dresser une étiologie du mal. Pour ceux auxquels cette mise en matière aura déjà coûté un bâillement, je suggère la lecture de trois sources roboratives qui les remettront sur pied séance tenante : la Petite anthologie du racisme anti-corse de Jean-Pierre Santini, (2) la Petite anthologie du racisme pro-corse de François de Negroni (3) et la Lettre aux anti-corses de Gabriel-Xavier Culioli. (4)

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Paroles d’un peuple défunt

• Rédigé par Marc Bonnant - -

Aborder une langue étrangère, c’est toucher aux portes d’un nouveau monde, aux rives d’un continent vierge dont la juste perception ne peut s’obtenir que par conversion. Mais exhumer une langue morte offre, en plus du frisson de l’apostasie, la promesse de mettre en lumière un monde fossile figé dans l’ambre des siècles, présumé intact sauf à prétendre que le mythe ou la Foi en ait réécrit l’histoire par le prisme des palimpsestes. L’approche de l’étrusque a nourri les fantasmes de tous les paléographes qui, penchés sur quelque gravure millénaire comme s’ils scrutaient l’obscurité d’un gouffre sans fond, ont éprouvé les vertiges les plus extatiques de la confusion jusqu’à souhaiter que cette langue défunte demeurât mystérieuse à jamais.

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Autopsie d’un contrat faisandé

• Rédigé par Marc Bonnant - -

Prenons un inconnu, que nous nommerons pour la circonstance monsieur Niquedouille. Choisissons-le enjoué et laborieux. Une lubie opiniâtre l’habite depuis l’enfance : il rêve de devenir écrivain. Son éducation équilibrée et une grande consommation de livres l’ont doté d’une certaine facilité d’expression, aussi estime-t-il que son travail et sa détermination finiront par le mener là où il souhaite. Comme beaucoup, il croit qu’il suffit d’écrire pour être lu, que l’on naît auteur et que cette innéité ne peut être pertinemment contrariée. Alors, tout à son projet, il couche sur le papier une historiette de son cru qui, au fil des pages, devient un roman. Hélas ! le récit est replet et pataud ; il réunit tous les défauts d’une première œuvre. Qu’importe. Une fois le texte achevé et relu, (1) monsieur Niquedouille dresse une liste d’éditeurs en renom et leur expédie son manuscrit. (2) Les uns après les autres, les exemplaires lui reviennent, accompagnés de lettres de refus. (3)

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Les prémices d’un roman

• Rédigé par Marc Bonnant - -

La foule massée dans les travées de la grande salle est inquiète mais attentive. Sur l’estrade, ceux qu’elle a désignés pour la représenter ont peu à dire sinon leur consternation. La réunion doit aboutir à la création d’un comité. L’ambiance est électrique et l’indignation unanime. Il est question du développement de la région et de sa subordination aux atermoiements de deux camps qui s’opposent : d’un côté la municipalité, favorable à la préservation d’un système trop ancien pour être contesté ; de l’autre la préfecture, bien décidée à réformer ledit système. Entre les deux, une population prise en otage à qui l’administration refuse tout permis de construire. L’objet du litige consiste en l’absence de règlementation d’urbanisme sur la commune.

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Le blog : triomphe de la médiocratie

• Rédigé par Marc Bonnant - -

Avec force ingénuité, nous pensions qu’une réflexion sur l’écriture ne pouvait être conduite que par les écrivains eux-mêmes, autrement dit par ceux-là seuls qui, eu égard à leur statut d’ingénieurs de la langue, s’adjugent une qualité d’experts en récusant toute intrusion profane. La multiplication des gestionnaires de contenus sur Internet est venue refaire la donne en l’espace de quelques années : non seulement le web bruisse d’un hourvari perpétuel, mais il n’en finit plus de s’observer, de se commenter, de ratiociner, de geindre à mesure qu’il enfle, saturé de liens et d’interconnexions, s’inventant des porte-voix, des chemins de traverse, jetant des ponts entre les rives de son grand archipel. Des besoins inédits ont provoqué l’apparition de nouvelles notions dans le vocabulaire des internautes : syndication, agrégateur, podcast… On pourra se montrer conciliant face à un blog qui négligerait la qualité de ses contenus ou la périodicité de ses publications – voyez, pour preuve, l’indulgence qu’on me prête – mais on ne lui pardonnera pas de priver son public… d’un flux RSS !

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