Lettre à Iäbi Klotz

Rédigé par Marc Bonnant - -

« Le vieux chevrier d’Alzeta m’a parlé d’une époque où l’on ne bâtissait jamais en rase campagne, sinon des habitats précaires qu’on démantelait puis remontait d’une saison sur l’autre. Pourtant, il y avait à Fundali un hameau que les archives documentent depuis le bas Moyen Âge ; ceci s’explique, me raconta-t-il, par un contexte de relégation lié à une interminable vendetta.

Je sais, pour l’avoir lu dans un rapport de la Société des Sciences, que des vestiges bien antérieurs y ont été découverts à la suite des grands incendies de cinquante-trois : plusieurs bases de cabanes et de la céramique sigillée ont confirmé une occupation datant du premier siècle de notre ère. J’en déduis que les bergers de Fundali avaient élu domicile dans un lieu qui présentait déjà certains accommodements.

Comment cet endroit si près du fleuve, aujourd’hui défoncé par les eaux à la moindre intempérie, avait-il été domestiqué et rendu habitable dès l'Antiquité ? Là encore, l’ancêtre d’Alzeta possédait la réponse. Les Romains y avaient édifié un oppidum parce que l’estuaire de Bracciali offrait à leurs navires un abri naturel, mais pour sécuriser le campement, ils avaient creusé en amont un vaste réseau de fossés qui assurait la dispersion des eaux en cas de crue.

La disparition de ces ouvrages au profit d’aménagements récents a exposé toute la région aux périls que l’on sait. Désormais, deux journées consécutives de pluie drue suffisent à empêcher le franchissement du pont de Lamaghja, et la berge sur laquelle reposaient les ruines de Fundali a été intégralement emportée l’hiver dernier. » ◼


(A. P., « Lettre à Iäbi Klotz », in Mémoires épistolaires, 1972)