L’île de désamour

Rédigé par Marc Bonnant - -

Quel embarras, quel sentiment d’impuissance devant le flot sans fin de commentaires suscités par la question du racisme anti-corse… Il semble que la gravité du propos ait délié les langues au point de confronter l’injure à l’injure, la bêtise à la bêtise et, en fin de compte, l’absurde à l’absurde. Parfois, quand le réquisitoire ne sert plus la cause qu’il défend, parce qu’il en a oublié les ressorts, l’intérêt du dialogue de sourds s’amenuise et se perd. L’insulte est une fleur des sables, qui jaillit de rien et se nourrit de peu ; là où elle éclot, l’esprit n’a pas cours. L’employer est illusoire, sinon contreproductif, n’en déplaise à Schopenhauer. (1) À tout racisme ses causes. Aussi, plutôt que de répondre à la violence par la violence, peut-être vaudrait-il mieux se concentrer sur les origines du problème et dresser une étiologie du mal. Pour ceux auxquels cette mise en matière aura déjà coûté un bâillement, je suggère la lecture de trois sources roboratives qui les remettront sur pied séance tenante : la Petite anthologie du racisme anti-corse de Jean-Pierre Santini, (2) la Petite anthologie du racisme pro-corse de François de Negroni (3) et la Lettre aux anti-corses de Gabriel-Xavier Culioli. (4)

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Les prémices d’un roman

Rédigé par Marc Bonnant - -

La foule massée dans les travées de la grande salle est inquiète mais attentive. Sur l’estrade, ceux qu’elle a désignés pour la représenter ont peu à dire sinon leur consternation. La réunion doit aboutir à la création d’un comité. L’ambiance est électrique et l’indignation unanime. Il est question du développement de la région et de sa subordination aux atermoiements de deux camps qui s’opposent : d’un côté la municipalité, favorable à la préservation d’un système trop ancien pour être contesté ; de l’autre la préfecture, bien décidée à réformer ledit système. Entre les deux, une population prise en otage à qui l’administration refuse tout permis de construire. L’objet du litige consiste en l’absence de règlementation d’urbanisme sur la commune.

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Acqua in bocca

Rédigé par Marc Bonnant - -

18 juin 2001. Je suis arrivé à mon bureau ce lundi-là avec l’esprit remué par quelque urgente affaire ; aussi, quand D. m’a joint depuis Corte pour m’annoncer le meurtre de Nicolas Giudici, je n’ai pas pris spontanément la mesure de l’événement. Il fallut que la presse évoquât le lendemain ce petit sentier près de Pedigrisgiu, à l’ombre d’un boqueteau où j’aimais me promener, pour qu’aussitôt ma mémoire refasse le contexte de cette année 1997 durant laquelle Le Crépuscule des Corses est paru en frappant la société insulaire d’une gifle tonique.

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Cette vie dont nul ne voudrait plus

Rédigé par Marc Bonnant - -

Je me suis fait offrir, tout récemment, un recueil d’anecdotes publié à compte d’auteur, réunissant dans un style à la fois ingénu et drôlet une collection de facéties agrestes, avec pour décor l’Alta Rocca pastoral de l’entre-deux-guerres. (1) Sa découverte a été d’autant plus agréable qu’il m’a bien semblé reconnaître, ici ou là, quelques figures pittoresques. Ce ravissement préludait à un autre : il y a deux jours, tandis que je fourrageais entre les rayonnages de mon libraire, je suis tombé sur le livre de Jean-Dominique Giovannangeli, Fils et petit-fils de bergers en Alta Rocca, lequel était injustement dissimulé derrière un ouvrage de moindre importance, présenté de face pour lui assurer meilleure promotion et condamnant de fait les pauvres merveilles qu’il obombrait de toute son arrogante envergure.

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