Lettre à Gautier Comte

• Rédigé par Marc Bonnant - -

« Ce matin, l’aube est prise dans un givre précoce. Depuis la terrasse, je l’observe se répandre sur les jardins en humant à pleines narines les effluves de pourriture qui s'en exhalent. Mon grand aulne au port si courbe… je t’achèverai dès l’hiver venu, avant que tu ne t’effondres dans la rivière. Tu as fait ton temps. Il faut savoir donner une fin aux choses les plus opiniâtres, même quand elles nous sont chères ; c’est mieux pour elles, c’est mieux pour nous.

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Lettre à Josué [1]

• Rédigé par Marc Bonnant - -

« Que n’ai-je vu en cette vie, dans la posture silencieuse de celui qui se tapit pour mieux voir, — à quoi n’ai-je assisté dont le sens m’ait rappelé à la vanité de mes actes puisque, de toute évidence, les autres s’ingénient à mieux faire… Que n’ai-je aperçu au détour d’une sente ou derrière un taillis qui m’ait réconcilié avec les mœurs présumées insipides de nos concitadins, d’ordinaire si soucieux de soigner leurs apparences… Mais de vous à moi : est-ce ma faute si, à chaque fois que la bête s’ébroue, le hasard me place au meilleur endroit pour la surprendre ? Est-ce mon destin si je dois être témoin malgré moi de ces choses inexprimables que la raison nous dicterait d’ignorer ?

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Dernière lettre à Aurélia

• Rédigé par Marc Bonnant - -

« Si, à chaque fois que s’exerce la magie du chagrin, vous me gratifiez des sentiments les plus universels et qu’ensuite, prenant conscience du trouble que vous avez semé, vous ressentiez le besoin de les justifier par la honte, vous comprenez qu’aussitôt que je m’adresserai à vous, je me demanderai à quelle Aurélia je parle, à laquelle des figures de l’amie plurielle mes mots seront destinés. Car en toute bienveillance, je pourrais faire varier mon discours autant de fois que nécessaire pour ne pas heurter en vous tantôt l’amie, tantôt la confidente, tantôt la muse, tantôt l’âme sœur, sans ne jamais montrer mon vrai visage, sans ne jamais exprimer mes émotions (à supposer que j’en éprouve), et ce dans le seul but de sauvegarder, pour peu qu’elle puisse l’être, la relation singulière que nous entretenons à défaut de nous connaître vraiment.

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Sortir au jour

• Rédigé par Marc Bonnant - -

Chacun de nous doit se résoudre à disparaître. Même nos saints héros, dont les reliques pulvérulentes remplissent panthéons et pyramides, ont rendu leur dernier souffle. Les sublimations de l’être portées par le désir religieux n’ont, pour l’heure, offert aucune démonstration que l’esprit survit à la chair, ou qu’il s’incarne dans la peau d’un autre pour un temps imparti… Inversement, aucun athéisme n’est encore venu prouver que l’âme s’éteint, périssant avec le corps, et qu’il n’existe pas plus de vie après l’être qu’il n’en existe avant lui. Ce double constat d’irrésolution n’a jamais empêché quiconque d’accorder foi à telle ou telle option selon son gré ; le « pari pascalien » en est une illustration inquiète mais raisonnable.

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De l’ennui

• Rédigé par Marc Bonnant - -

Notion si récente dans la philosophie qu’elle n’y apparaît qu’au XVIIIe siècle, à l’avènement de cet Âge de la Raison voyant s’imposer tout à la fois la perception du soi individuel et le désir de son accomplissement, l’ennui était jusqu’alors l’apanage des gens de la cour, ivres de satiété, ceux-là seuls auxquels il était permis de s’ennuyer et d’en avoir conscience. Mais loin des fastes du palais, le dogme austère des abbayes, qui punissait le péché de tristesse et d’indifférence, décrétait que l’amour de Dieu n’autorisait aucune vacance de l’esprit et que le temps imparti à la prière servait à combler les repos hasardeux dans lesquels la pensée parfois s’abandonne et se corrompt ; l’ennui monacal, en tant que déni de soumission plutôt que défaut d’appétence, y était vu comme un égarement dommageable, une faiblesse à bannir sans réserve ni pardon.

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