Lettre à un ami lointain

• Rédigé par Marc Bonnant - -

Pour Cioran, la liberté commence par un renoncement aux origines. La volonté de penser et d’écrire dans une langue étrangère constitue le premier mouvement d’un exil désiré, quitte à se dépendre de toutes les servitudes du cœur. S’acclimater au néant, se découvrir des affinités avec le chaos, devient un principe de survie : « Tout est superflu. Le vide aurait suffi. » Cioran vivra cet abandon dans le remords.

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Acqua in bocca

• Rédigé par Marc Bonnant - -

18 juin 2001. Je suis arrivé à mon bureau ce lundi-là avec l’esprit remué par quelque urgente affaire ; aussi, quand D. m’a joint depuis Corte pour m’annoncer le meurtre de Nicolas Giudici, je n’ai pas pris spontanément la mesure de l’événement. Il fallut que la presse évoquât le lendemain ce petit sentier près de Pedigrisgiu, à l’ombre d’un boqueteau où j’aimais me promener, pour qu’aussitôt ma mémoire refasse le contexte de cette année 1997 durant laquelle Le Crépuscule des Corses est paru en frappant la société insulaire d’une gifle tonique.

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Cette vie dont nul ne voudrait plus

• Rédigé par Marc Bonnant - -

Je me suis fait offrir, tout récemment, un recueil d’anecdotes publié à compte d’auteur, réunissant dans un style à la fois ingénu et drôlet une collection de facéties agrestes, avec pour décor l’Alta Rocca pastoral de l’entre-deux-guerres. (1) Sa découverte a été d’autant plus agréable qu’il m’a bien semblé reconnaître, ici ou là, quelques figures pittoresques. Ce ravissement préludait à un autre : il y a deux jours, tandis que je fourrageais entre les rayonnages de mon libraire, je suis tombé sur le livre de Jean-Dominique Giovannangeli, Fils et petit-fils de bergers en Alta Rocca, lequel était injustement dissimulé derrière un ouvrage de moindre importance, présenté de face pour lui assurer meilleure promotion et condamnant de fait les pauvres merveilles qu’il obombrait de toute son arrogante envergure.

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Le bien-parler : dérive à vau-l’eau ?

• Rédigé par Marc Bonnant - -

La curiosité du linguiste est piquée dès le potron-minet, lorsque, d’un geste encore engourdi, il allume son poste de radio. Sur les ondes, un journaliste commente l’actualité dans le style que réclame la radiophonie, autrement dit celui que l’on prépare par écrit et dont on exige le meilleur de l’expression (l’elocutio). Sans attendre, les premières perles apparaissent, éclatantes, et notre spécialiste, passé de la somnolence à la prédation, n’a qu’à tendre son filet à papillons pour que les premières merveilles se prennent aussitôt dans les mailles. « La note qu’il a écrit », « après qu’il ait contacté », « ils élirent leur délégué », et ainsi de suite. Bientôt, la stupeur cède la place à l’indulgence : qui est plus exposé à la faute qu’un journaliste abreuvé à la source du langage populaire ? On lui pardonnera de poursuivre un objectif d’audience au prix de quelques infractions vénielles.

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