L’Œil de la Lune

Rédigé par Marc Bonnant - -

Il est des livres que l’on aime si absolument, d’un amour si exclusif, qu’on souhaiterait être seul à les avoir aimés, seul à les avoir lus. Le devoir de partage s’effacerait presque devant le plaisir égoïste de la possession.

C’est ce que j’éprouve pour ce curieux ouvrage paru au CCL de Pact (Isère) en 1985 sous le titre L’Œil de la Lune. Il s’agit d’un recueil de treize nouvelles signées par quelques-unes des plus fines plumes francophones du genre fantastique. De toute évidence, les auteurs avaient pour but de nous confondre entre malaise et ravissement : à l’instar de la singulière facture de l’objet, remarquable pour son format, les textes y sont pareillement composés pour séduire et troubler.

Si chaque nouvelle répond de la sensibilité particulière de son auteur, une même ligne tonale traverse l’ouvrage de part en part. C’est ce qui surprend le plus dans L’Œil de la Lune : le recueil entier semble avoir été rédigé d’une seule main. D’avoir concouru à l’harmonie, les co-équipiers de cette aventure littéraire ont tiré le meilleur parti. Ils nous offrent un livre intime, faits de chuchotis et de confessions, qui ne rechigne pas aux procédés d’audace.

Je citerais pour exemples la cruelle équivoque perpétrée par Philippe Cousin dans “Une vertigineuse Punition”, la rencontre d’outre-tombe dans “Le Parachutiste” de Jean-François Laguionie, le beau récit de Jean-Pierre Andrevon, et surtout, assénée comme l’estocade finale, l’époustouflante nouvelle de Jean-Pierre Bours intitulée “La Femme dont il ne restait rien”, une de ces histoires qui font revivre les livres dans l’inconfort des mauvaises nuits. ◼


Aa. Vv., L’Œil de la Lune, coll. Les nouvelles nouvelles, Centre de Création littéraire, D. Ronjat éd., Beaurepaire, 1985, 248 p.